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Mathilde Gaymard, co-fondatrice de Nü Morning : "La transparence est primordiale quand on prend un engagement éthique et responsable en tant qu'entreprise"

Interview de Mathilde Gaymard, co-fondatrice de Nü Morning 

Mathilde et David, co-fondateurs de Nü Morning


Couple au travail comme à la vie, Mathilde et David sont les co-fondateurs de Nü Morning, une marque éco-responsable de Granola gourmand et artisanal. 


Dans cette interview très riche, Mathilde nous parle de son parcours, de l'équilibre de leur couple au travail, de leurs engagements éthiques, de greenwashing, de leurs projets et de leurs challenges au quotidien.


Bref, un beau récit d'aventure entrepreneuriale que je vous invite à découvrir ! 


Peux-tu nous présenter Nü Morning ?

Le petit déjeuner a toujours été un repas très important pour moi et j’ai toujours été à la recherche d’une alimentation saine et respectueuse de l’environnement.

J’ai vite constaté qu’il n’existait quasiment aucune offre à la fois saine, gourmande et variée de céréales pour le petit-déjeuner. J’ai donc décidé de créer une offre de granola respectant de forts engagements éthiques, environnementaux et nutritionnels.

Le marché des céréales est ultra-concurrentiel en France. Il y a énormément de produits très industriels à prix cassés. 
Nous nous positionnons comme des artisans où tout est fabriqué dans notre atelier à Lyon. 

Peux-tu te présenter et nous raconter un peu ton parcours ?

J’ai co-fondé Nü Morning avec mon compagnon David en 2017. C’est un projet particulier car il mêle par plein de façons vie privée et vie professionnelle .

Je suis ingénieur agronome et j’ai toujours été passionnée par l’agro-alimentaire. Mais je ne me suis pas orientée vers les métiers scientifiques pour autant. J’ai toujours été très attirée par les concepts d’innovation, de création, de psychologie du consommateur.

J’ai commencé mon parcours professionnel avec Danone dans le domaine de la nutrition médicale et infantile. C’est une expérience très riche qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses mais je me suis rapidement rendu compte que ce n’était pas le type d’entreprise qui me correspondait.

David, lui, est ingénieur spécialisé dans le développement informatique. Avant Nü Morning, il travaillait dans une boîte de sécurité informatique.

Comment en êtes-vous venus à créer Nu Morning tous les deux ?

Il n’était pas prévu que David fasse partie du projet ! Au début je devais travailler avec une personne qui n’a tenu que quelques jours. David s’occupait du site internet et au fur et à mesure, il a fini par s’impliquer à 200% dans le projet !

S’associer avec la bonne personne est très difficile : il faut pouvoir se dire les choses tout en étant complémentaire. 

Nous avons cet équilibre avec David, même si ce n’est pas toujours facile car on a des façons de travailler très différentes ! J’ai été très habituée à travailler et brainstormer en équipe chez Danone et c’est quelque chose qui me convient, j’aime le fait de réfléchir et débriefer ensemble. David, lui, est plutôt un travailleur solo et n'est pas un grand fan des réunions à répétition !

Comment avez-vous réussi à trouver un équilibre en tant que couple ?

On a l’avantage de très bien se connaître et de savoir comment l’autre fonctionne. On s’adapte à l’autre. 

Le fait d’être en couple fait qu’on peut tout se dire et ça me convient car je suis quelqu’un qui a beaucoup de mal à critiquer et faire des reproches aux gens. J’ai tendance à tout garder pour moi et à accumuler de la rancœur, ce qui est l’exact opposé de ce qu’il faut faire quand on est associé à quelqu’un!

Est-ce que vous arrivez à concilier vie privée et pro ?

Il est pour l’instant très difficile de séparer les deux, d’autant plus qu’on est une toute petite équipe de 5 personnes et encore à nos débuts. 

Je pense que lorsqu’on aura délégué certaines tâches, on pourra commencer à avoir d’autres projets à côté. Pour l’instant Nu Morning nous prend 400% de notre temps. On a une telle charge mentale que c’est dur de couper. 

Parfois je me retiens de parler travail au petit déjeuner mais ce n’est pas facile !

Quel est votre engagement éthique et responsable ?

Notre engagement s’applique sur plusieurs domaines : tout d’abord, nous sommes certifiés bio et nous nous adressons à des circuits de distribution spécialisés épicerie fine, magasins bio, cafés et restaurants. 

Nous sommes également membres du 1% for the planet depuis novembre dernier. 

Tous nos produits ont une composition 100% végétale et on propose un emballage 100% sans plastique, ce qui est super rare sur notre marché. Le carton est recycable et à l’intérieur on a un petit sachet qui ressemble à du plastique sauf que c’est du papier compostable !

On a encore des progrès à faire mais on fait très attention à notre approvisionnement: le cacao, les banane et les noix de coco que nous utilisons sont bio et issus du commerce équitable.

Alors bien sûr on est très loin du 100% origine France car cela limiterait énormément notre offre. Je suis assez partagée sur le sujet car je sais qu’il faut soutenir l’économie française et réduire notre impact carbone mais les pays qui fournissent les matières 1ères telles que le cacao ou les bananes ont aussi besoin de nous pour vendre leurs produits. Je pense qu’il faut évidemment privilégier les produits que l’on peut trouver en France mais quand il s’agit d’ingrédients qu’on ne trouve pas en France comme le café, on n’a pas trop le choix. 


Comment communiquez-vous sur cet engagement ? 

On essaie de se démarquer par rapport à nos engagement nutritionnels qui peuvent être assez clivants notamment par rapport au sucre, mais aussi par nos engagements environnementaux. 

Mais on a encore du mal à valoriser le fait d’être artisan et il est difficile de savoir si c’est une valeur ajoutée pour les gens. 

Le problème vient du fait qu’il y a des marques qui brouillent les pistes en confiant leur production à des industriels et qui affichent une production artisanale. 

Par exemple, Biocoop a un programme qui s’appelle « Petit Producteur ». Par définition, un petit producteur a 2-3 employés maximum. Certains concurrents qui sous-traitent sont référencés comme tels parce qu’ils ne sont que 2 dans les bureaux ! 

Il devient alors très compliqué pour le consommateur de savoir dans quelles conditions sont faites les choses, il y a un vrai problème de transparence. C’est tout le problème du greenwashing et des marques qui veulent surfer sur les tendances. 

Comment comptez-vous remédier à cette méfiance du consommateur ? 

Pour nous, la meilleure manière d’être transparent est de montrer les coulisses de la production au public. 

Nous sommes en train de créer notre nouveau site et nous voulons y montrer notre processus artisanal et réussir à dire ce que les autres ne peuvent pas dire. 

Les réseaux sociaux sont également un très bon moyen pour ça. Les gens aiment voir l’humain derrière la marque et c’est quelque chose sur lequel on doit travailler car étant timides tous les deux, on a beaucoup de difficulté à se montrer et à se mettre en scène ! 

Mais je pense aussi qu’il y a un travail à faire du côté du consommateur. Il est important de se renseigner, de comprendre, de développer un esprit critique pour distinguer les entreprises qui sont sincères de celles qui ne le sont pas pour pouvoir faire les bons choix. 

Quel a été votre plus gros challenge depuis le début de l’aventure ? 

On en a eu beaucoup mais le plus gros que nous avons rencontré, et qui n’est pas encore résolu, est d’assurer une distribution plus importante et d’arriver à un point d’équilibre qu’on a pas encore atteint. 

La distribution physique est dure, il y a beaucoup de concurrence, beaucoup de personnes qui ne répondent pas, c’est un travail d’endurance qui est vital pour l’entreprise. 

Pour l’instant, nous sommes distribués en magasin bio, en épicerie fine, dans les cafés, hotels et restaurants. Nos clients sont des indépendants mais si on veut grossir, il faut être référencé dans la centrale d’une chaîne d’un magasin bio qui permet d’avoir une distribution nationale sur une 100aine de magasins. Il n’est pas facile d’en faire partie, d’autant que les commissions sont très importantes. 

Au début, on voulait se positionner sur le BtoC et l’achat en ligne. On n’avait pas du tout vocation à être dans la distribution physique en magasin. Mais on s’est vite rendu compte qu’il n’était pas facile de vivre uniquement de vente en ligne. 

Nous l’avions lancée sur la base d’abonnements mensuels : les gens s’abonnaient et recevaient une box tous les mois. C’était assez facile d’un point de vue logistique car on produisait en fonction du nombre d’abonnés, il n’y avait pas besoin d’avoir un stock constant. 

Mais cela demande un énorme travail de SAV car il y a souvent des problèmes de livraison. On a déjà eu 25 colis qui se sont perdus avec des gens qui appelaient sans arrêt pour savoir où étaient leurs colis ! 

Quels conseils donnerais-tu à un entrepreneur qui se lance dans un projet éthique et engagé ?    

Je dirai ne pas négliger l’importance de sa communauté et de la transparence. Et très important, avoir bien formulé au préalable le « pourquoi » de son projet ! Se demander quel problème il souhaite résoudre et ce qui lui donne cette envie de se battre chaque jour ! Et enfin, surtout, de ne pas s’inquiéter si rien ne se passe comme prévu !!        

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